Bell Média : un pas de plus vers le retour d’un monopole

L’acquisition du réseau généraliste V et de ses actifs numériques par Bell Média (Bell) fragilisera encore davantage un écosystème déjà précaire en permettant à un joueur dominant de le devenir encore plus. Cette transaction affectera considérablement l’équilibre entre les sociétés médiatiques et engendrera de lourdes conséquences. Déjà dominant sur les marchés des chaînes spécialisées autant francophones qu'anglophones ainsi que de la radio dans l'ensemble du Canada, Bell, le plus gros fournisseur de services de télécommunications et de radiodiffusion verticalement intégré au Canada, sera désormais en position de décupler son pouvoir et sa dominance dans le marché francophone, notamment en ce qui a trait à la dynamique concurrentielle, aux revenus publicitaires et à l’offre de programmation. Résultat : le consommateur finira définitivement par en faire les frais.

La problématique de cette transaction ne doit pas être observée sous l’unique angle des seuils de parts de marché, mais doit plutôt être analysée en fonction de la concurrence et de l’importante concentration de propriétés de Bell dans tous les secteurs des médias, tant sur les marchés de langue anglaise que de langue française.

Rappelons qu’en mai 2018, le Bureau de la concurrence a empêché Bell de procéder au rachat des chaînes spécialisées Séries+ et Historia, afin « d’éviter une diminution sensible de la concurrence ». Suivant cette même logique, l’acquisition d’une chaîne généraliste et de ses actifs numériques par un géant comme Bell ne devrait-elle pas soulever des inquiétudes encore plus grandes ?

 

Bell est né d’un monopole et par ses actions des dernières années, elle ne vise qu’à le recréer avec un modèle d’affaires abolissant toute concurrence. L’acquisition d’une chaîne généraliste francophone accentuera non seulement la dominance de Bell, mais empêchera les autres joueurs de rivaliser sur les plans de l’acquisition de contenu et de l’offre publicitaire aux annonceurs. Après la dissolution d’Astral par Bell, un autre siège social québécois disparaîtra au profit d’un géant géré à partir de Toronto. Et au bout du compte, cela sera au détriment des téléspectateurs québécois. Est-ce ce que l’on souhaite pour l’avenir de notre télévision québécoise ? Le gouvernement du Québec doit intervenir à titre d’actionnaire de V via Investissement Québec afin de bloquer cette transaction qui fragilisera également à terme notre capacité de procurer des ressources suffisantes pour alimenter nos salles de nouvelles et notre expertise en information, pilier d'une démocratie saine et vivace.

Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Québecor

 

Une concentration dangereuse dans le marché publicitaire

Au cœur des préoccupations se trouve la capacité de Bell de contrôler à sa guise le sort du marché de la publicité grâce à son immense pouvoir commercial. Par son emprise à travers le Canada dans les secteurs de la télévision généraliste, spécialisée et payante, de la radio, de la distribution, de l’Internet, du mobile, des médias numériques, de l’affichage ainsi que dans des équipes sportives professionnelles, Bell, cumulant plus d’un milliard de dollars en revenus publicitaires télévisuels au Canada, sera en mesure de dicter les tendances du marché et de forcer les tarifs publicitaires. De plus, l’histoire démontre la tendance de Bell à se livrer à des pratiques anticoncurrentielles. Enfin, faut-il rappeler que les revenus publicitaires sont la principale source de revenus pour toutes les télévisions généralistes ?


Incidence sur l’offre de programmation

La domination de Bell provoquera également un sérieux déséquilibre dans les forces de négociation lors d’acquisition de contenus télévisuels, menant à accentuer les surenchères. La présence de Bell dans les marchés francophone et anglophone lui permettrait également de signer facilement des ententes de droits multiplateformes dans les deux langues.

 C’est faire preuve de courte vue de penser que cette transaction fortifiera l’écosystème télévisuel québécois. Comme ce fut le cas avec l’acquisition des chaînes spécialisées d’Astral, Bell ne fera qu’accentuer son pouvoir de négociation avec l’ajout d’une chaîne généraliste, avec pour résultat un marché contrôlé par un seul joueur dominant qui affectera négativement l’offre au consommateur , a conclu France Lauzière, présidente et chef de la direction de Groupe TVA et chef du contenu de Québecor Contenu.

Québecor entend ainsi faire les représentations qui s’imposent auprès des instances concernées.

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